Sélection média Collection Morel

La liste ci-dessous est un repérage de média réalisée par l’équipe des rédacteurs de PointCulture dans le cadre de l’exposition Collection Morel au mois de mai 2014 à PointCulture Bruxelles. Elle propose une sélection de films, livres et enregistrements divers sur l’espace, la pensée et l’imaginaire, et a été coordonnée par Philippe Delvosalle.

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David LYNCH : Inland Empire – VI0085
Une traduction possible pour Inland Empire serait : «intériorité des lieux». Ceux-ci en effet, sous l’action conjointe du rêve et du cinéma, se dotent d’une  valeur ambiguë. L’espace ainsi considéré dispose d’un être propre, d’un en soi, d’une intériorité donc, bien sûr capable de recevoir l’événement, de lui donner forme, mais plus encore de répondre de lui, de l’inviter à se produire ou, à l’inverse, à se tenir en réserve, à l’état de potentialité, de menace, de désir.

Andrei TARKOVSKI : Le Miroir – VM4276
Sous les traits d’un vieil homme malade, le cinéaste revisite son passé. Nimbé de nostalgie, le pays natal apparaît dans un brouillard offrant un cadre spirituel à des sensations précises. Aux yeux de l’exilé la Russie c’est de la terre, de l’eau, du bois, de l’herbe : rien moins que l’essence de la vie. Et c’est aussi une jeune femme, tantôt mère tantôt épouse, dont la grâce transfigure les lieux qu’elle occupe. L’émotion se concentre sur une maison. Cette modeste demeure en bois, construction chétive au milieu d’un paysage verdoyant, c’est l’image qui fonde toutes les autres images, leur gisement intact, la genèse de l’imagination.

Hiroshi TESHIGAHARA : La Femme des sables – VF0267
C’est le paradoxe de la prison : se trouver dedans et à part. Simultanément inclus et détaché, dans un état de solitude extrême et serré de près. L’homme et la femme de ce conte cruel se trouvent l’un et l’autre prisonniers des sables. Le sable a tout le temps pour lui, l’éternité. Dès lors, un choix se profile : l’isolement ou l’asphyxie. Lutter, c’est se condamner à l’épuisement. Epouser la mécanique du confinement, c’est s’en faire un refuge, se mettre à l’abri pour l’éternité. La maison des sables présente les deux faces d’une utopie régressive.

Leos CARAX : Holy Motors – VH0579
Nous voilà embarqués pour une journée dans la limousine de Monsieur Oscar, riche homme d’affaires. Suivant un horaire serré, il doit se rendre à neuf rendez-vous aux quatre coins de Paris. Chaque mission réclame de sa part un déguisement particulier. Au-travers de ces rôles successifs, actions et projections se superposent, et par contagion, Paris devient une ville fantôme, hantée par toutes sortes de spectres, réels et de cinéma mêlés. La limousine qui relie les différents « plateaux » crée entre eux une continuité onctueuse. Ce principe renvoie d’évidence à la genèse de l’image cinématographique. Telles les différentes stations d’un Mystère au moyen-âge, chaque site visité par Monsieur Oscar devient l’enjeu d’une lutte métaphysique, l’arène sur laquelle fiction et réel tentent de régler leurs compte.

Jean-Luc GODARD : Alphaville – VA3932
La chambre d’hôtel dans laquelle se déroule une grande partie de ce faux film d’anticipation constitue un beau contrechamp à la société futuriste qui se déploie tout autour. De cette société ne parviennent que de lointains échos, des règles, des interdits qui font peur. La chambre de ce fait est une unité insurrectionnelle. Non pas qu’elle donne refuge à une armée de révolutionnaires. Pas la peine. Les plus authentiques insurgés sont les amoureux. En amour, on refait le monde. Rien de tel qu’un huis-clos pour accentuer cet effet. Dans une chambre d’hôtel, au comble de l’intime et de l’impersonnel, du vrai et faux, le présent, mis entre parenthèse, se joue des formes anciennes et nouvelles qui les mettent en péril. Godard lui n’a pas son pareil pour mettre en scène cette dialectique entre les corps et les lieux. Danse de paroles et de gestes, de regards et de voix qui réinventent l’espace et bouleversent les codes.

Agnès VARDA : Les Plages d’Agnès – TD7501
«Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages» : ces mots d’Agnès Varda expriment on ne peut mieux ce qui la motive, des rencontres et des lieux. Dans ce documentaire autobiographique, la réalisatrice décore de miroirs ces bords de mer qu’elle aime tant. Miroirs, mais aussi photos, bouts de films, scènes reconstituées, installations font de ces plages les cadres émus et accueillants d’une mémoire qui se vit au présent et au travail.

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Ernst REIJSEGER : Tell Me Everything –UR 2517
Performance sonore pour violoncelle seul. Le musicien s’est retiré en Toscane dans une ancienne église. L’atmosphère du lieu lui inspire de nouvelles images sonores. Il mêle à ses inspirations des chants d’oiseaux enregistrés à l’aube, son violoncelle est méditatif et poétique, s’enivre des lieux et de l’atmosphère.

Didier DEMORCY : La Zone – HE 1608
Aux frontières entre ville et campagne, dans ces endroits en continuelle mutation s’instaure parfois une zone. Espace d’amorces et de rebuts, d’amas de matières et  matériaux, traces de vie faiblissantes et gestes arrêtés coexistent et s’entrelacent en trames. Un projet sur l’imaginaire des lieux abandonnés et l’impact que ceux-ci exercent sur des artistes visitant les lieux.

Werner HERZOG : La Grotte des rêves perdus –TC 3525
La Grotte Chauvet est hantée par des artistes du paléolithique qui ont créé sur ses parois un bestiaire fantastique. Ours, panthères, lions, rhinocéros, mammouths, bisons… des milliers de peintures dessinent le bestiaire le plus ancien du monde. Seuls scientifiques et chercheurs sont autorisés à y pénétrer. Werner Herzog a capté l’étrange beauté de ces peintures et l’atmosphère de ce lieu interdit.

Jose Luis GUERIN : Le Spectre de Thuit –TW 2685
La deuxième partie du film est une fiction poétique du lieu. Le château vide, une nuit. Une dramaturgie s’opère dans et autour de la demeure. Ombres, mouvements subtils, reflets, ruissellements de pluie sur les vitres. Le vent dans les branchages des grands arbres du parc et les statues. Tout un imaginaire erre dans le château laissé aux souvenirs.

Craig R. BAXLEY et Michael W. WATKINS : The Lost Room –  VL 0282 + VL0283
Une clé mystérieuse introduite dans la serrure de n’importe quelle porte ouvre toujours sur une chambre non moins mystérieuse d’un motel désaffecté. La chambre contenait des objets dotés d’un pouvoir singulier. Ils ont été collectés, volés ;  ils sont recherchés avidement et on n’hésite pas à tuer pour se les approprier. L’assemblage de ces objets pourraient mener à se rapprocher de l’esprit de Dieu.

Jean COCTEAU : La Belle et la Bête – VB 1461
Le château enchanté de la Bête est imprégné d’une atmosphère envoûtante.  C’est un château de conte de fée, un lieu d’irréalité, magique. Domaine perdu, mystérieux, frappé d’un maléfice et secrétant cependant une beauté fascinante. Lieu où l’on aimerait s’égarer pour en ressentir l’atmosphère et laisser la mémoire des contes de l’enfance reprendre nos esprits.

Richard FLEISCHER : 20 000 Lieues sous les mers –VV 2990
Les lieux de Jules Vernes sont parés de l’imaginaire romanesque captivant du romancier.  Le Nautilus du capitaine Nemo est un monde à part dans le monde mystérieux et fascinants des abysses. L’un et l’autre recèlent leur part d’utopie, de mystère et de rêve.

Barry LEVINSON : Sphère – VS5712
Dans la profondeur des abysses est apparue une étrange sphère, comme une bulle géante. Des chercheurs sont requis pour en pénétrer le mystère. Enfermés dans un sous-marin, pris dans une expérience fantastique, ils doivent affronter les productions de leurs esprits. Abysses, sphère et sous-marin sont un assemblage de lieux extraordinaires qui provoquent notre imaginaire et le charge d’une tension émotive, entre la fascination et la peur.

Victor FLEMING : l’Ile au Trésor – VI0054
Peter JACKSON : Le Seigneur des Anneaux – VS1458 + VS1463 + VS1467
Steven SPIELBERG : Jurrasic Park – VJ7343
J.J. ABRAMS : Lost  – VS 5712
Romans et adaptations cinématographiques sont truffés de lieux étranges, merveilleux, maléfiques. Tous hors du commun, ils relèvent des fantasmes de nos imaginaires, de nos expériences de lecture, de nos désirs secrets d’aventures et de nos passions pour les mystères et les expériences extraordinaires.

Paul AUSTER et Wayne WANG : Brooklyn Boogie – VX1817
Le  tabac  d’Auggie Wren  dans  Brooklyn  est un lieu de rencontre pour les habitants du quartier. Une série de personnages un peu décalés y défilent et s’y croisent, racontant leurs histoires, vraies et fausses.  C’est un lieu particulier, tout y semble possible pour quelques instants par jour. Le film est un hommage à Brooklyn, le tabac d’Auggie Wren, un reflet de son âme.

Juan Carlos TABIO : Liste d’attente – VL3143
Dans  une petite gare routière cubaine, les voyageurs attendent une place improbable dans des cars bondés. Le bus de la gare est en panne et l’un des voyageurs propose que tous rassemblent leurs compétences pour réparer le moteur et pour organiser la vie de la petite communauté dans l’attente du départ. Lieu de passage, de vie provisoire où la convivialité finit par l’emporter sur les tensions.

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François SCHUITEN et Benoit PEETERS : Les Cités Obscures
Un cycle de bandes dessinées élargi à d’autres supports qui a pour cadre une « anti-terre », à la fois sœur jumelle et reflet déformé de la nôtre, reliée à la nôtre via des « passages artistiques secrets ». Les Cités Obscures tissent un réseau très lâche de villes autonomes qui sont autant de concrétions d’utopies tant esthétiques qu’urbanistiques.

Wilbur LEGUEBE : Le Dossier B  – TE3800
Basé sur un scénario de Schuiten & Peeters, ce « documenteur » composite (mélange d’images d’archives, de photos, dessins, et d’éléments fictionnels) est construit comme une enquête au départ d’un livre introuvable : une « secte » constituée autour de politiques et d’architectes influents aurait procédé à une mise à sac architecturale de Bruxelles afin de rebâtir une cité « idéale », avec le palais de Justice comme élément pivot…

Guillermo DEL TORO : Le Labyrinthe de Pan – VL0105
Dans l’Espagne franquiste – l’action se situe vers 1944 – une petite fille découvre près de la maison familiale où elle vit avec sa mère et son terrifiant beau-père, un passage secret menant à un mystérieux labyrinthe. L’étrange créature gardienne des lieux lui fait d’intrigantes révélations et la soumet à de dangereuses épreuves.

Peter JACKSON : Heavenly Creatures – VH1142
En 1954, en Nouvelle-Zélande, deux jeunes filles liées par une amitié exclusive, et un univers imaginaire commun où elles ont coutume de se réfugier, finissent par perdre quasi pied avec la réalité. Inquiète, la mère de l’une des jeunes filles décide de les séparer. Et de fait, s’expose immédiatement à une terrible vindicte meurtrière.

Roman POLANSKI : La Neuvième Porte – VN2077
Dean Corso, « chercheur de livres rares » réputé se voit chargé de retrouver les deux derniers exemplaires des  Neuf Portes du Royaume des Ombres d’Aristide Torchia, par le fortuné collectionneur Boris Balkan. Une quête parsemée d’embuches et de morts mystérieuses dont il ne comprendra la finalité dernière que trop tard

Sam RAIMI : Jusqu’en enfer  – VJ0175
Une jeune femme à l’aube d’une carrière prometteuse au sein de la banque qui l’emploie refuse de prolonger le prêt d’une vieille dame peu avenante. Celle-ci lui jette une malédiction qui transforme son quotidien un enfer, et enclenche le sinistre décompte d’une damnation éternelle que cette demoiselle incomprise et désemparée va tenter de lever par tous les moyens possibles…

Sam RAIMI : Evil Dead – VE8954 + VE8957
Cinq jeunes filles et garçons s’apprêtent à passer un weekend prolongé dans une cabane isolée au milieu des bois. Un lieu hanté par des esprits malfaisants que la découverte d’un vieux magnétophone délivrant d’anciennes incantations et d’un fascicule en peau humaine, le Necronomicon (ou livre des morts), va déchaîner contre eux !

Apichatpong WEERASETHAKUL: Mysterious Object At Noon – VX1996
À mi-chemin du documentaire, du conte populaire et de la fiction, une équipe de tournage quitte Bangkok pour la campagne thaïlandaise sur les traces d’un marchand de poisson. Elle demande à des personnes de tous âges et de toutes conditions rencontrées sur sa route, à la façon d’un cadavre exquis, de raconter la suite d’un récit que d’autres, avant elles, avaient imaginé.

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Yael ANDRÉ : Chats errants – TW0561
En marge des rues et des habitations s’étendent des terrains vagues, à la superficie parfois très importantes, dissimulées aux regards par une haie, une grille, une vieille porte, qui sont visitées uniquement par les chats, et par ceux qui les nourrissent. Les dames-à-chats, et les messieurs-à-chats, s’immiscent ainsi dans des lieux secrets, hors-plan, dont ils semblent être seuls, avec les chats, à connaître l’existence. Ces endroits, à l’écart des chemins battus, sont définis comme vagues, comme abandonnés. Ils sont invisibles parce qu’ils n’ont pas de fonction. Yaël André a poursuivit cette logique dans ses derniers retranchements, et a étendu cette exploration à tous les lieux, les thèmes, les domaines qu’une errance dans ces non-lieux pouvait révéler.

Marc AUGÉ
À l’opposé des lieux chargés de mémoire, auxquels on s’attache, il y a les lieux vides, anonymes, sur lesquels l’émotion rebondit sans s’y accrocher. Ce sont ces lieux que l’anthropologue Marc Augé décrits dans son livre Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité (1992). Aéroports, supermarchés, aires d’autoroute, tous ces endroits sont des espaces transitoires,  interchangeables. On les utilise pendant une durée de temps assez courte et on ne se les approprie jamais.

Damien FAURE : Espaces intercalaires – TE4231 (+ TC4352)
Pour l’étranger, Tokyo est une mégalopole démesurée où rien n’est à taille humaine. La réalité est toute autre. Au-delà de la vision superficielle qui ne perçoit que les gratte-ciels, les surfaces immenses recouvertes de néons clignotants et d’écrans géants, les distances colossales, il y a une autre vie qui se déroule dans les interstices, dans des lieux minuscules enclavés entre les bâtiments. Là se sont installés des commerces, des habitations, des lieux de rencontre, à l’architecture singulière, qui définissent un espace supplémentaire comme superposé à la ville.

Ettore SCOLA : Le Bal – VB0256
Compression d’histoire en un lieu unique, en huis-clos, le film retrace cinquante ans de la vie d’une salle de bal. Tandis que les danseurs vont et viennent, le film traverse l’Histoire de France depuis les années 1930, jusqu’à nos jours (à l’époque de la sortie du film, en 1983), en passant par le Front populaire, la Guerre, Mai 68. La musique passe du musette au jazz, puis du rock au disco, mais les couples continuent à danser inlassablement.

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Claude-Jean BONNARDOT : L’Invention de Morel – VI0311
Un  évadé, une île, une grande villa, le théâtre de tournures étranges du temps et des événements : une adaptation en téléfilm (une des premières productions couleurs de l’ORTF en 1967) du roman de Adolfo Bioy-Casarès, ami de Borges, qui inspira aussi bien L’Année dernière à Marienbad (Resnais) que la série Lost… ou La Collection Morel !

Jorge Luis BORGES : La Bibliothèque infinie – HD2815
En 1941, alors lui-même employé de bibliothèque (une bibliothèque municipale à Buenos-Aires), Jose-Luis Borges (1899-1986) publie la nouvelle La Bibliothèque de Babel qui évoque une gigantesque bibliothèque où sont conservés tous les livres, lisibles ou non, de 410 pages (de 40 lignes de 80 caractères). Une bonne trentaine d’années plus tard, en 1978, l’écrivain parle de littérature avec le poète Jean Daive au micro de France Culture.

Michel FOUCAULT : Utopies et hétérotopies – HD4135
À la fin des années 1960, date d’enregistrement de ce CD, le philosophe Michel Foucault présente, notamment dans sa conférences « Des espaces autres », son concept d’hétérotopies : des localisations physiques de l’utopie (« des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables »), les espaces concrets de l’imaginaire, de la chambre du voyage de noces au cimetière en passant par la maison close. Hétérotopies qui sont bien sûr à chaque fois confrontées à la question du corps (« Mon corps est toujours ailleurs »).

Georges PEREC : Dialogues avec Bernard Noël – HD4755
Dans ce coffret de quatre CD d’émissions radiophoniques avec l’auteur des Choses et de La Vie mode d’emploi, on trouve entre autre sa « Tentative de description de choses vues au carrefour Mabillon le 19 mai 1978 », dernière étape d’un projet inachevé (qui devait initialement s’étendre sur 12 ans, de 1969 à 1981) de description dénotée (mais aussi de souvenirs à distance et d’oubli) de 12 lieux-clés de sa vie à Paris (« des endroits où m’étaient arrivées des choses précises ») comme par exemple la rue de son enfance, la rue Vilin à Belleville

Bernard QUEYSANNE (et Georges PEREC) : Un homme qui dort – VU0082
En 1974, avec l’aide de son ami Bernard Queysanne, Georges Perec filme son propre roman de 1967 sur un étudiant qui décide de s’extraire du monde (de Paris, de la foule, de la Sorbonne), en se recentrant sur lui-même dans l’espace confiné d’une petite chambre de bonne sous les toits. Un film sans dialogues. Juste une voix intérieure (d’après le texte du livre, à la troisième personne du singulier) dite par Ludmilla Mikaël et une très belle mise-en-sons par Eugénie Kufler et Philippe Drogoz.

Françoise LEVIE : L’Homme qui voulait classer le monde – TP4511
Alain RESNAIS : Toute la mémoire du monde – TW6631
Les bibliothèques comme lieux à la fois utopiques et bien matériels (confrontés à la tâche titanesque de leur œuvre de conservation). Entre la fin du XIXe siècle et le tout début du XXe, le belge Paul Otlet met en place l’Office international de bibliographie, la classification décimale universelle, les fiches cartonnées de 125 x 75mm avant de penser, au cours de l’entre-deux guerres, à créer à Bruxelles le Palais mondial-Mundaneum qui regrouperait tous les savoirs du monde… En 1956, Alain Resnais filme de ses sous-sols voûtés et capharnaümesques à la coupole vitrée de son toit, la forteresse de la mémoire de la Bibliothèque nationale de France. Sans oublier d’y déposer discrètement quelques fascicules d’une « sous-littérature » que le cinéaste, au contraire de l’Institution qu’il filme, ne prend pas de haut : le Mandrake de Lee Falk… Un peu de magie à la bibliothèque !

Divers auteurs (Virginia WOOLF, Jorge Luis BORGES, etc.) : Maisons – HA0056
Un recueil de nouvelles autour de la thématique de la « maison » lues par Marie-Christine Barrault dont La Dame dans le miroir de Virginia Woolf et There Are More Things, nouvelle fantastique à la Lovecraft tirée du Livre de sable de Borges

Claude CHABROL : Alice ou la dernière fugue – VA3782
Dans ce film fantastique peu connu de Claude Chabrol en 1977, une femme (Sylvia Kristel, mondialement connue à l’époque par ses incarnations d’Emmanuelle) trouve refuge dans une mystérieuse villa au milieu d’un grand parc entouré d’un mur… Entre Lewis Carroll et Jose-Luis Borges (dans la bibliothèque, Alice Carroll/Sylvia Kristel lit le recueil de nouvelles Fictions de l’auteur argentin).

Chantal AKERMAN : Hotel Monterey – TW0501 – VJ0069
Alain TANNER : Dans la ville blanche – VD0449
Les hôtels comme lieux de vie temporaires. On s’y pose, s’y arrête, éventuellement on s’y recentre sur soi et le lus souvent on en repart vers là d’où on était venu… ou vers ailleurs. En 1972, une Chantal Akerman de 22 ans filme une description fragmentaire et ascensionnelle de l’Hotel Monterey à New-York, du hall au dernier étage, en s’élevant au moyen de l’ascenseur. Plans fixes sur les couloirs, très lents travellings avant et arrière sur les portes et fenêtres… Dix ans plus tard, le cinéaste suisse Alain Tanner filme Bruno Ganz en marin qui profite d’une escale dans le port de Lisbonne pour déserter « l’usine flottante » dans les entrailles tonitruantes de laquelle il trime et parcourt le monde. Il prend une chambre dans une petite pension avec vue sur les docks de l’autre côté du Tage. Il reste là ; ne fait pas spécialement grand-chose. Il se repose, il dort ; il parcourt la ville (à pied), fait l’expérience de ses courbes, explore ses recoins cachés, la filme en Super 8, s’éprend d’une femme…

Jean-Daniel POLLET : Dieu sait quoi – TW6076
En 1989, alors qu’il fait des repérages le long d’une voie ferrée, Jean-Daniel Pollet est happé par un train. Il s’en sort vivant mais fortement handicapé. Il n’abandonne pas le cinéma mais le recentre à une autre échelle. Cinq ans après l’accident, il tourne Dieu sait quoi en mettant en résonance des textes de Francis Ponge et des objets (une carafe, des cailloux, des citrons, etc.) qu’il filme dans sa maison du Cadenet et dans son jardin. La littérature comme évasion et élan vers un ailleurs qui permet de vivre ici.

Edward GILLAN : Desperate Man Blues – TB2427
D. LOHLE et Guy-Marc HINANT : David Toop – I Never Promised You A Rose Garden – TB8041
L’antre d’un collectionneur de disques (comme la cave à 78 tours de Joe Bussard filmée par Edward Gillan) peut ressembler à un cimetière avec tous ces objets précieux consciencieusement rangés. Mais il suffit de peu, d’une succession de quelques gestes, pour qu’une magie s’opère, que la vie emplisse l’espace et transforme ces pièces en sortes de jardins botaniques luxuriants peuplés de végétaux et de fruits aux saveurs étonnantes.

Jeff FEUERZEIG: The Devil And Daniel Johnston – TB2435
C’est une chambre, c’est un capharnaüm. Quelques fauteuils fatigués, une fenêtre qu’on ne remarque pas tout de suite, un clavier, une guitare sur le sofa, pas un cm² de libre aux murs, des dessins, des photos des Beatles, des disques, la Bible, des figurines de personnages de comics : la matrice de l’œuvre du dessinateur et singer-songwriter texan Daniel Johnston. Un lieu de digestion et d’appropriation d’influences et d’imaginaires d’où sortiront les home movies et les bouleversants home recordings de sa première période.

J.J. ABRAMS : Lost – épisode Eggtown – VL5975
L’insularité, la non-linéarité du temps, la place laissée à l’imaginaire : on a souvent relevé que L’Invention de Morel était – au même titre que par exemple L’Île du Docteur Moreau de H.G. Wells – une des sources d’inspiration de la célèbre série culte américaine. Hypothèse corroborée dans un épisode de la saison 4 où un personnage, Sawyer, lit carrément le livre d’Adolfo Bioy-Casarès (tandis que Locke offre à Ben un exemplaire de Valis de Philip K. Dick).

Patrick McGOOHAN et George MARKSTEIN : Le Prisonnier – VP6338, etc.
Que serait la série télévisée culte de la fin des années 1960 sans le village de Portmeirion qui lui sert de décor ? Un hommage en forme de collage-architectural (la discordance des styles) aux stations balnéaires italiennes et méditerranéennes construit cinquante ans durant, des années 1920 aux années 1970, par le milliardaire Sir Clough William-Ellis sur les côtes du Nord-Ouest du Pays de Galles.

David LYNCH : Twin Peaks – VT8811
Un pièce singulière aux murs tendus de lourdes tentures de velours rouge, un sol au carrelage en chevrons noirs et blanc, deux canapés, deux lampadaires et une statue d’inspiration antique : la « Red Room » de Twin Peaks porte en elle l’aura de mystère de l’ensemble de la série créée par David Lynch.

Alan BALL : Six Feet Under – épisode The Room – VS4283
Dans le sixième épisode de la première saison de la splendide série d’Alan Ball, Nate Fischer découvre, en épluchant la comptabilité de son père défunt, que celui-ci occupait en secret une « chambre à soi » au-dessus d’un petit restaurant indien. Sur place, le fils essaye d’imaginer ce que son père y faisait…