Enrique Vila-Matas – Sólo en Lisboa puede verse un azul de azules


Lecture par Eduardo Berti de Sólo en Lisboa puede verse un azul de azules, fragment d’un texte sur Lisbonne d’Enrique Vila-Matas publié dans El País en 2003 :

“Sólo en Lisboa puede verse un azul de azules, que es un color que aturde. Lo vio Pedro Tamem, que lo inmortalizó así: “Desde lo alto os hablo, desde donde / añado azul de muchos colores / al otro azul que vuestros ojos ven”. Es un azul que se asoma al Atlántico y se confunde con él. A este balcón sobre el gran océano, a esta Lisboa luminosa y enigmática, Cardoso Pires la vio posada sobre el Tajo como una ciudad que navega, pues no en vano hay olas de mar abierto dibujadas en sus calzadas, y hay anclas y hay sirenas. Para Cardoso Pires, la última vista de la ciudad era una cortina de gaviotas enfurecidas levantando vuelo entre el Tajo y él. Si es verdad que veía esto, es que estaba sentado en Terreiro do Paço. “Paso horas, a veces, en Terreiro do Paço, a la orilla del río, meditando en vano”, escribió un tal Bernardo Soares. Si es verdad que Cardoso veía esto, es que estaba junto al muelle de los transbordadores, al final de todo y al final de Europa, en una especie de finis terrae, ante un amplio ventanal que le separaba del Tajo azul.”

— Enrique Vila-Matas, lu par Eduardo Berti dans le cadre d’Extraits de bleu, le 8 septembre 2017, L’Espace d’en bas, Paris. Un programme de Collection Morel.

Traduction par Pierre Bastien :

“Seulement à Lisbonne on peut voir un bleu de bleus, une couleur qui abasourdit. Pedro Tamem le vit, et l’immortalisa ainsi : « D’en haut je vous parle, d’où / j’ajoute du bleu de mille couleurs / à l’autre bleu que voient vos yeux ». C’est un bleu qui se penche sur l’Atlantique et se confond avec lui. Ce balcon sur le grand océan, cette Lisbonne lumineuse et énigmatique, Cardoso Pires la vit posée sur le Tage comme une ville qui navigue, car ce n’est pas en vain qu’il y a des vagues de pleine mer dessinées dans ses rues, et des ancres et des sirènes. Pour Cardoso Pires, la vue ultime de la ville était un rideau de mouettes furieuses s’envolant entre le Tage et lui. S’il est vrai qu’il voyait cela, c’est qu’il était assis à Terreiro do Paço. « Je passai des heures, parfois, à Terreiro do Paço, au bord du fleuve, en vaine méditation », écrivit un certain Bernardo Soares. S’il est vrai que Cardoso voyait cela, c’est qu’il était près du quai des transbordeurs, à la fin de tout et à la fin de l’Europe, dans une espèce de finis terrae, face à une large baie vitrée qui le séparait du Tage bleu.”