Tour de Jasseron

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C’est par une aube rose d’été que je décidais d’explorer la tour de Jasseron.

A Paques j’avais eu la vision fugitive de cette ruine jaillissant du fait d’une colline du Revermont, cette chaîne qui voit les monts du Jura diminuer jusque à la plaine.

En partance pour Paris depuis Mortevieille j’avais décidé de passer une dernière fois par la route fleurie au lieu de prendre la nationale vers l’autoroute, un trajet je j’effectuais depuis de nombreuse années, mais cette fois la tour c’était imposée à moi.

Comment ne l’avais-je jamais remarquée auparavant, dominante et mystérieuse ?

Pendant le printemps et le début de le l’été cette vison m’avait réveillée plusieurs fois au milieu de la nuit au point de devenir une obsession.

De retour au mois d’août je ne pouvais qu’aller visiter ce lieu qui n’est indiqué sur aucune signalétique touristique.

J’avais d’abord fait un tour à pied du village de Jasseron sans trouver de chemin d’accès.

Aussi je décidais de passer par le jardin de l’Eglise en pensant que les deux édifices étaient forcément liés.

J’enjambais la barrière du jardin de curé abandonné, glanant au passage quelques pommes vertes que je dédiais à la mémoire d’Henry David Thoreau, elles étaient acides et délicieuses.

J’avais vu juste, sous des ifs serpentait  depuis l’Eglise un sentier sombre sur la colline.

Le jour levant faisait des reflets étranges entre les feuilles denses des arbustes qui formaient un tunnel.

La sente débouchait sur une prairie d’herbes hautes et sèches, le jour rayonnait et les oiseaux célébraient le soleil, devant mois la tour dans toute sa splendeur de dressait au milieu des pins et des chênes, encore quelques efforts et j’étais à son pied.

Elle était ronde et creuse comme une cheminée d’usine, une ouverture à sa base et le bleue du ciel en guise de toit.

Deux murailles à angle droit l’entouraient.

Par les ouvertures dans la pierre les rayons rasants du soleil matinal  formaient des kaléidoscopes de couleurs éblouissantes et la vision de l’autre versant des monts provoquait en moi un doux vertige.

J’étais bien, heureux en communion avec le lieu comme quelques jours avant lorsque j’avais embrassé la pierre levée de Simandre sur Suran, de l’autre côté des monts et ressentit comme une étincelle électrique bienfaisante, j’imaginais aussitôt une ligne secrète reliant ces deux pôles.

Soudain un bruit de marteaux piqueurs retentit en échos dans la vallée, il était 8 heures, les ouvriers affairés à un chantier de construction dans le village avaient brisé le charme, les lieux reprirent leur aspect d’abandon, il était temps de redescendre pour moi.

— Cosmo Helectra, 2012

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